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Le blog de patybio

Symbolique : "PROUST ET SA MADELEINE"

10 Mai 2018, 14:37pm

Publié par patybio

Madeleine de Proust

Madeleine de Proust

Biographie de Marcel Proust (1871-1922)
1871-1890Marcel Proust est né à Paris le 10 juillet 1871 dans le seizième arrondissement. Son père, Adrien Proust, est professeur agrégé de médecine, et sa mère, Jeanne Weil, est la fille d'un riche agent de change. Marcel Proust est un enfant chétif, sensible et il souffre des bronches. Il adore sa mère et dès son jeune âge se montre très sociable. Un jour, vers l'âge de dix ans, il est pris d'une très grave crise d'asthme; une crise si violente que son père crut qu'il allait mourir. En 1881, il entre au lycée Condorcet, où malgré sa santé fragile, il obtient de brillants résultats. Il obtient son bac en 1889 et effectue son service militaire à Orléans.
1891 -1908Il poursuit ensuite ses études à la faculté de droit et à l'Ecole libre des Sciences Politiques. Il commence à fréquenter les salons littéraires et collabore à la petite revue Le Banquet. Les textes qu'il donne à cette revue seront regroupés en 1896 sous le titre les Plaisirs et les Jours. En 1894, il passe ses vacances à Trouville et à Cabourg, région que l'on retrouvera dans la Recherche du Temps Perdu. En 1895, il se passionne pour l'affaire Dreyfus. C'est cette année-là qu'il commence son roman Jean Santeuil, roman sur lequel il travaillera jusqu'en 1899 mais qu'il ne terminera jamais. Il paraîtra inachevé en 1952. En 1900, il fait avec sa mère un voyage à Venise. Son père meurt en 1903 et sa mère en 1905. Le deuil de sa mère l'affectera pendant plusieurs années. En 1906, Marcel Proust s'installe Boulevard Haussmann, dans un appartement tapissé de liège et hermétiquement clos. Il échappe ainsi du même coup aux tentations d'un monde futile trop aimé et aux graminées tant redoutées.
1909 -1914En 1909, Proust se consacre exclusivement à son œuvre. Il conçoit cet immense projet de faire revivre les jours enfuis dans un ouvrage intitulé A la recherche du temps perdu. Il commence à rédiger la première partie, Du Côté de chez Swann. Il travaille la nuit, se repose le jour et reste enfermé chez lui. Quelques extraits paraissent dans le Figaro, mais ce premier volume (environ sept cents pages), prêt à être publié en 1912, ne trouve pas d'éditeur. Il sera notamment refusé chez Gallimard par André Gide qui se reprochera longtemps ce refus. Finalement Marcel Proust fait paraître Du Côté de chez Swann, à compte d'auteur, chez Bernard Grasset en 1913. Il annonce aussi pour l'année suivante la suite : Du Côté des Guermantes et le Temps Retrouvé.
1914-1922En mai 1914, Marcel Proust vit un drame personnel en la mort accidentelle d'Alfred Agostinelli qui était son ami depuis 1907. Proust l'engage d'abord comme chauffeur et il devient en 1912 son secrétaire. Puis c'est la guerre qui empêche Proust de publier la suite de son premier volume comme il l'avait annoncé. En raison de son éat de santé, marcel Proust ne sera pas mobilisé. Il faut attendre 1919, pour que paraisse à la NRF, A l'ombre des Jeunes filles en fleurs, qui obtient cette année-là le prix Goncourt.Les 2 années suivantes il publie successivement les tomes 1 et 2 du Coté des Guermantes ainsi que la première partie de Sodome et Gomorrhe. En avril 1922 paraissent la deuxième partie deSodome et Gomorrhe. Epuisé, Marcel Proust meurt d'une pneumonie le 18 novembre 1922.
1923Avant de s'éteindre, il a demandé à Jacques Rivière et à son frère Robert de publier le reste de son œuvre. La Prisonnière paraît en 1923, Albertine disparue en 1925 et le Temps retrouvé en 1927

 

site : A la lettre.

Symbolique : "PROUST ET SA MADELEINE"

Voici le texte évoquant le passage de la madeleine de Proust : "Du coté de chez Swann"

La madeleine « Il y avait déjà bien des années que, de Combray, tout ce qui n'était pas le théâtre et le drame de mon coucher, n'existait plus pour moi, quand un jour d'hiver, comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant que j'avais froid, me proposa de me faire prendre, contre mon habitude, un peu de thé. Je refusai d'abord et, je ne sais pourquoi, me ravisai. Elle envoya chercher un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblent avoir été moulés dans la valve rainurée d'une coquille de Saint- Jacques. Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d'un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j'avais laissé s'amollir un morceau de madeleine. Mais à l'instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d'extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m'avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. Il m'avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu'opère l'amour, en me remplissant d'une essence précieuse: ou plutôt cette essence n'était pas en moi, elle était moi. J'avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel. D'où avait pu me venir cette puissante joie? Je sentais qu'elle était liée au goût du thé et du gâteau, mais qu'elle le dépassait infiniment, ne devait pas être de même nature. D'où venaitelle? Que signifiait-elle? Où l'appréhender? (…) Et tout d'un coup le souvenir m'est apparu. Ce goût c'était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l'heure de la messe), quand j'allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m'offrait après l'avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m'avait rien rappelé avant que je n'y eusse goûté; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d'autres plus récents; peut-être parce que de ces souvenirs abandonnés si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s'était désagrégé; les formes - et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel, sous son plissage sévère et dévot - s'étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d'expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience. Mais, quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir. Et dès que j'eus reconnu le goût du morceau de madeleine trempé dans le tilleul que me donnait ma tante (quoique je ne susse pas encore et dusse remettre à bien plus tard de découvrir pourquoi ce souvenir me rendait si heureux), aussitôt la vieille maison grise sur la rue, où était sa chambre, vint comme un décor de théâtre s'appliquer au petit pavillon, donnant sur le jardin, qu'on avait construit pour mes parents sur ses derrières (ce pan tronqué que seul j'avais revu jusque là) ; et avec la maison, la ville, depuis le matin jusqu'au soir et par tous les temps, la Place où on m'envoyait avant déjeuner, les rues où j'allais faire des courses, les chemins qu'on prenait si le temps était beau. Et comme dans ce jeu où les Japonais s'amusent à tremper dans un bol de porcelaine rempli d'eau, de petits morceaux de papier jusque-là indistincts qui, à peine y sont-ils plongés s'étirent, se contournent, se colorent, se différencient, deviennent des fleurs, des maisons, des personnages consistants et reconnaissables, de même maintenant toutes les fleurs de notre jardin et celles du parc de M. Swann, et les nymphéas de la Vivonne, et les bonnes gens du village et leurs petits logis et l'église et tout Combray et ses environs, tout cela qui prend forme et solidité, est sorti, ville et jardins, de ma tasse de thé. » PROUST Marcel, Du côté de c

"Du coté de chez Swann"

"Du coté de chez Swann"

 

 Je me suis intéressée à la symbolique psychologique et à la signification de la madeleine de Proust. 

Voici ce texte intéressant  que j'ai trouvé :

 Le fameux texte de la madeleine aurait été retouché pas moins de dix-sept fois. Au départ il mettait en scène la gouvernante et non la mère de PROUST. Cette cérémonie du thé était quotidienne alors qu’elle revêtira, dans la version finale, un caractère exceptionnel. Autre modification d’importance : à l’esquisse 14, la madeleine fait son apparition et remplacera désormais la triste biscotte qu’avait d’abord mise en scène PROUST.
Triste, en effet, car si elle croustille, ses mérites s’arrêtent là. La madeleine, elle, a des vertus plus métaphoriques… Par sa forme d’abord, elle empreinte au « cercle » toutes ses symboliques. Le rond évoque tout d’abord la maternité, un intra-utérin protecteur, et c’est donc doublement, et très naturellement, qu’elle renvoie PROUST à ses souvenirs d’enfance.
BACHELARD voit dans le « cercle » un « refuge circulaire qui serait l’image du refuge naturel, le ventre féminin ». Le cercle est un doublet du « fruit, de l’œuf […] qui déplace l’accent symbolique sur les voluptés secrètes de l’intimité » (Gaston BACHELARD cité par Gilbert DURAND in Les Structures anthropologiques de l’imaginaire, p.283-4)
Mais ces rondeurs sont aussi celles de la féminité et c’est ainsi que l’on passe insensiblement, d’un point de vue de l’imaginaire symbolique, du sein maternel au sein objet de fantasme libidinal.
Je vous invite à prêter attention à la description que PROUST fait de ces  « petits gâteaux courts et dodus », comme s’il parlait d’un corps de femme. Effet sans doute amplifié par le nom même du gâteau : « Petites Madeleines », qu’il transcrit dans son texte avec des majuscules, comme un prénom féminin.
Il y a donc dans la madeleine une interface symbolique particulièrement riche et susceptible de rendre compte à merveille de l’ambigüité  des sentiments qu’éprouvait Marcel PROUST pour sa mère. Un télescopage évident entre la figure proprement maternelle et une figure féminine largement plus connotée et chargée de libido se fait clairement jour dans ce texte.
Mais c’est aussi la constellation des signes qui révèle l’œdipe proustien. Il apparaît en effet dans toute sa force à travers l’accumulation, dense dans ce court passage, d’éléments à double lecture qui semblent se répondre et se renforcer les uns les autres.
En remplaçant dans la version finale du texte Françoise, la gouvernante, par la mère elle-même, PROUST n’introduit-il pas comme une redondance de ce motif féminin/maternel ?
Nous assistons alors au déplacement des propriétés ambivalentes propres à la madeleine vers la mère. Désormais tout se passe comme si les qualités de l’une se reflétaient par un jeu de miroir dans l’autre. Et ce, dans les deux sens : la mère qui offre la madeleine lui confère  douceur et réconfort, tandis que les courbes du petit gâteau dévoilent la référence cachée à une autre féminité secrètement désirée, celle de la mère œdipienne.
C’est donc à travers un procédé littéraire habile (conscient ou inconscient ?), où PROUST utilise des effets gigognes pour emboîter les symboles, que se révèle l’ambivalence de ses sentiments et d’un œdipe non soldé.
Jacques LACAN eut sans nul doute aimé les rêveries proustiennes autour de la friandise offerte par madame-mère. Il n’eut surtout pas manqué d’en analyser la délicieuse prose ! Car, où Marcel avait-il la tête lorsqu’il écrivit ces lignes : « Petites Madeleines qui semblent avoir été moulées dans la valve rainurée d’une coquille de Saint Jacques » ? Et de poursuivre, deux pages plus loin, son périlleux babil : « petit coquillage de pâtisserie si grassement sensuel ».
Hors la référence trop tentante au lapsus lacanien (évité ici de justesse!), il faut encore souligner que l’analyse des archétypes dévoile que la symbolique du coquillage coïncide avec l’idée d’« un refuge, d’une cachette » et Gilbert DURAND souligne que « l’iconographie si tenace de la naissance de Vénus fait toujours du coquillage un utérus marin » (op.cit. p.289).
Comment lire autrement cette homophonie à peine voilée entre « valve » et « vulve » qui fait du gâteau à la fois la matrice et le fruit de la matrice, comme si PROUST et sa mère ne faisaient encore qu’un comme au temps bien heureux de l’intra-utérin, cet Eden à jamais perdu.
Mais c’est ici aussi la liaison freudienne entre ventre digestif et ventre sexuel qui apparaît en filigrane.
Soulignons tout d’abord la disproportion flagrante entre la nature réelle de l’expérience faite par PROUST et le retentissement considérable qu’elle a en lui : « je portais à mes lèvres une cuillerée du thé où j’avais laissé s’amollir un morceau de madeleine. Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de la cause […]. D’où avait pu me venir cette puissante joie ? Je sentais qu’elle était liée au goût du thé et du gâteau, mais qu’elle le dépassait infiniment, ne devait pas être de même nature ? D’où venait-elle ? Que signifiait-elle ? »
Nous sentons bien que PROUST lui-même a le pressentiment de la nature cachée de l’enjeu qui se joue ici. Certes, il parle de l’expérience du souvenir impromptu… mais ne parle-t-il vraiment que de cela ?
La gourmandise est pour FREUD liée à la sexualité, le buccal étant l’emblème régressé du sexuel.
Depuis Eve nous n’ignorons plus le lien entre ventre digestif et ventre sexuel tant nous savons qu’il faut lire le péché d’Eve non comme un simple péché de  gourmandise, mais bien comme une tentative de corruption d’Adam.
Ainsi, dans la dégustation que PROUST fait de sa madeleine trempée dans le thé (vous aurez noté la sensualité de l’image), il nous faut lire encore un double motif.
Si l’on rappelle l’aspect régressif de l’avalage on remarquera que PROUST a pris soin de faire « s’amollir » la madeleine dans le thé comme s’il la destinait à un bébé. C’est que, grâce à cette précaution, il évite le sadisme dentaire de la manducation adulte et se replace au « stade buccal » du tout petit enfant. De là ce sentiment de bien-être qui l’inonde tout à coup : « un plaisir délicieux m’avait envahi… il m’avait rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire ». Il a réintégré, pour un instant, l’innocence et l’insouciance de l’enfance.
Mais en même temps cette référence au buccal et à l’avalage dit aussi la satisfaction de la libido et de ses pulsions inconscientes ou du moins refoulées.
Tout se passe comme si PROUST donnait satisfaction à ses pulsions incestueuses par un moyen détourné, en apparence inoffensif et suffisamment acceptable pour passer la censure du Surmoi.
On peut en effet y reconnaître le « processus de déplacement» dont parle FREUD et qui permet de dire à travers des objets symboliques ou analogiques ce que la censure interdit d’exprimer, selon un procédé similaire à celui du rêve.
La société, le Surmoi et la mère elle-même, tout condamne cette pulsion. La madeleine est donc, dans sa féminité toute symbolique, un « objet de déplacement » dans lequel PROUST peut réinvestir ses désirs illicites et incestueux sans risque de dévoilement et donc de censure.
Et c’est bien dans ce processus, que mettent en lumière les schémas psychanalytiques, qu’il faut chercher la clef du plaisir si dense de l’expérience de « la madeleine proustienne ».
Le recours à cette sorte d’anamnèse, au plaisir du souvenir impromptu, ne donne donc  qu’une partie de l’explication de ce passage et peut même être considéré comme un masque posé sur une vérité qui gît dans des strates beaucoup plus profondes de l’Inconscient proustien : «  D’où avait pu me venir cette puissante joie ? Je sentais qu’elle était liée au goût du thé et du gâteau, mais qu’elle le dépassait infiniment, ne devait pas être de même nature ? D’où venait-elle ? Que signifiait-elle ? »
EN CONCLUSION :
Si l’écart entre l’imaginaire et le réel est un sujet de déception permanant chez PROUST, la mise en évidence d’un complexe d’œdipe ne nous invite-t-elle pas à réinterpréter cette dimension de son œuvre ?
Obligé à renoncer très tôt dans l’enfance au premier désir, à la première idéalisation, au premier objet fantasmé : la mère… son incapacité à y parvenir tout-à-fait induirait un état de déception permanent comme une constante du Moi Proustien.
site :" Trajet littéraire "
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C
Je pense que Proust est très connu pour ce passage des "madeleines" ... et çà me fait plaisir de le retrouver sur tes pages Paty et d'en découvrir toute la signification .<br /> Je te souhaite une bonne semaine malgré cette météo qui est loin d'être sereine en ce mois de mai !<br /> Amicales pensées ch'tis !<br /> Nicole
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P
Bonsoir Nicole,<br /> Oui ce passage de Proust est un des plus connus grâce à l'évocation de ses souvenirs qui surgissent avec la madeleine. Son oeuvre<br /> "A la recherche du temps perdu" est une panacée. <br /> Bonne semaine, nous avons passé les saintes glaces,normalement le beau temps devrait être de retour.<br /> Bien Affectueusement.<br /> Paty