Les plantes : une histoire d'amour
Bien que né à l'ombre de la Tour Eiffel, je suis tombé dans les plantes quand j'étais petit... Ça ne fait pas mal, bien au contraire : j'en ai retiré d'immenses bonheurs. À commencer par ces émotions intenses qui m'assaillaient lorsque, enfant, je récoltais avec mes parents dans les Alpes de Savoie des girolles au parfum d'abricot dont j'allais porter les délicats boutons dans le panier de ma mère - avec bien en vue le régal de l'omelette baveuse et parfumée dont nous allions nous délecter. Si je ne suis pas né gourmand, je le suis vite devenu...
La suite était peut-être facile à prévoir. Les études de mathématiques me paraissaient bien arides, déconnectées de la réalité, et la musique rock impliquait un mode de vie pas toujours très sain. Je devais donc fatalement revenir un jour à mes premières amours, les plantes et la nature. Deux rencontres avec des octogénaires passionnés allaient me mettre sur la voie : celle d'un botaniste-poète dans les Vosges, mon maître en botanique, puis d'un oncle végétarien avec qui je parcourus longuement les environs de Sisteron à la récolte des légumes sauvages.
La gourmandise aidant je me mis en demeure d'explorer systématiquement les qualités nutritives et les saveurs inédites des végétaux européens. Puis américains, puisque, après un an passé en Corse, je passai dix années de ma vie de l'autre côté de l'Atlantique à sillonner les espaces immenses de l'Ouest sauvage des États-Unis.
A mon retour en France, ma rencontre avec Marc Veyrat fit vibrer intensément ma fibre gourmande et l'appréciation des plantes sauvages comestibles prit dès lors une toute autre dimension. Je pénétrai un monde de saveurs folles que je n'avais fait qu'effleurer en vingt ans de travail/plaisir quotidien (il manque un mot dans notre langue pour décrire cette façon dont je vis l'occupation de mon temps...).
Par ailleurs, le soutien moral d'Yves Coppens me donna l'envie et les moyens de faire reconnaître mes travaux par le Diplôme de l'École Pratique des Hautes Études puis par le doctorat du Muséum National d'Histoire Naturelle.
Mais ma découverte du monde végétal est loin d'être finie. Car j'ai entrepris d'explorer le monde à la recherche des végétaux qui s'y consomment, dans les différentes cultures qui peuplent la planète. Depuis une dizaine d'années bien comptées, les découvertes ont été riches - souvent éblouissantes, parfois un peu étranges, il faut aussi le reconnaître, mais généralement extrêmement stimulantes. Au point qu'il m'est difficile de me retrouver dans la cuisine occidentale de tous les jours, généralement peu passionnante : il nous reste tellement à apprendre !
Toutes ces expériences ont donné lieu à la publication de quelque cinquante livres, dont deux Encyclopédies, et de plus de six cents articles parus dans divers magazines. Parmi de nombreux projets, celui qui me tient le plus à coeur est de réaliser une Encyclopédie des plantes comestibles du monde entier où je voudrais, si Dieu me prête vie, montrer de façon globale et synthétique toutes les possibilités alimentaires, gourmandes et nutritionnelles que nous offre le règne végétal. Vous voyez, il y a encore de quoi faire…
Ce qui m’intéresse, c’est que le plus de personnes possible
aillent ramasser elles-mêmes les plantes sur le terrain.
L’important est d’aller vraiment à la rencontre des végétaux,
là où ils poussent. À la rencontre du vivant, du sauvage, de
la nature, de sa nature. Manger les plantes fait partie de ce
processus de relation. C’est accepter en soi un peu de la vie
de la plante. En quelque sorte, c’est devenir un peu plante
soi-même. Et permettre en même temps à la plante de devenir
un peu humaine. Il s’agit de favoriser ces retrouvailles
entre l’homme et la nature, entre la conscience et la non-conscience,
de susciter l’émergence de la conscience de la nature.
François Couplan
Depuis plus de vingt ans, il m'a semblé très important de pouvoir offrir à d’autres l’occasion de partager les quelques « connaissances » que ma relation avec les plantes m'a permis de réunir. Il m'a fallu tout ce temps pour m'en sentir capable, car je désire transmettre ces fragments de vie de la meilleure façon possible : la manière compte autant que le contenu. Et il m'a fallu grandir...
Les plantes et la nature m'attirent depuis tout petit. Je me suis souvent senti plus à l'aise avec les végétaux qu'avec les humains, et je ne connais pas de meilleur refuge à l'esprit troublé que la montagne sauvage ou la forêt.
Mon esprit était troublé par le décalage que je ressentais profondément entre les paroles de mon entourage, les principes que l'on tentait de m'inculquer, et ce que je voyais se manifester autour de moi. En bref, la civilisation dans laquelle je vivais me paraissait atteinte d'un mal très grave. Et presque tout ce que j'ai pu constater depuis n'a malheureusement fait qu'accentuer cette constatation.
Mais pas question de baisser les bras. Il fallait agir. Après de longues périodes dans les bois, j'ai décidé d'organiser des stages de découvertes des plantes ainsi que des survies en pleine nature. Le but profond n'était certes pas d'apprendre à préparer de la soupe d'ortie ou à faire du feu sans allumettes. Mais une approche en douceur, stimulant le plaisir gustatif et la curiosité me semblait appropriée. Le temps n'était pas encore venu pour moi d'exprimer précisément l'essentiel.
Les plantes ont poursuivi leur croissance, les arbres ont acquis de la vigueur, la forêt s'est densifiée - tandis qu'ailleurs herbicides et tronçonneuses, OGM et folie humaine ont dramatiquement accentué leurs ravages. Aujourd'hui, le temps presse. Hâtons-nous doucement...
Il me semble que le pouvoir des plantes ne s'arrête pas à leurs vertus nutritives ou curatives. Elles me paraissent avoir beaucoup à nous apprendre sur ce qui nous entoure et sur qui nous sommes. Et au bout du compte, nous apporter des éléments pour répondre à l'essentielle question : « Que sommes-nous venus faire en ce monde ? »
Il n'y a pas, au fond, d'autre chose plus importante dans la vie que de tenter de répondre à cette question le plus honnêtement possible – si tant est, bien sûr, que l’on souhaite le faire. Tout le reste ne me semble que fioriture. Et nous autres Occidentaux sommes passés maîtres dans l'art de louvoyer en privilégiant le superflu, le léger, l'insipide...
Notre monde actuel basé sur la consommation à outrance et l’« information » pléthorique en est l'exemple parfait.
Donc allons-y maintenant !
Pour poursuivre l 'aventure en lecture voiçi ses quelques livres à dévorer:
Depuis 1983, François Couplan a publié 55 ouvrages différents sur les plantes sauvages comestibles, la cuisine sauvage, la nature et d'autres aspects liés aux relations entre l'homme et les végétaux.
Parmi ses livres les plus importants, figure une Encyclopédie des plantes sauvages comestibles de l'Europe, en trois volumes, ainsi que le Guide des plantes sauvages comestibles et toxiques. Citons aussi Dégustez les plantes sauvages, qui présente tous les cadeaux de la nature dans nos régions, par environnement et par saison, ou Vivre en pleine nature, pour se sentir chez soi dans les bois. Dans La Nature nous sauvera, François Couplan porte un regard nouveau sur la crise de notre civilisation, dont il expose les causes historiques et propose une approche originale pour y apporter des solutions.
Les écrits de François Couplan portent également sur la botanique (L'album des plantes et des fleurs, Reconnaître facilement les plantes, Dictionnaire étymologique de botanique, Fleurs des Alpes), le jardin (Mangez vos soucis, Le Jardin au naturel, Légumes, fruits et condiments oubliés), la nutrition (Guide nutritionnel des plantes, Le véritable régime crétois, Sans viande et très heureux) et les plantes médicinales (Petit Larousse des plantes qui guérissent).
La collaboration entre François Couplan et le cuisinier étoilé Marc Veyrat a donné naissance à l'Herbier gourmand, un plaisir pour les yeux et les papilles, suivi de douze émissions télévisées portant le même nom.
François Couplan a publié des livres en anglais (Encyclopedia of edible plants of North America), en allemand (Wildpflanzen für die Küche), en néerlandais et en espagnol.
(Informations prises sur le site de auteur)
Bonne soirée avec cette citation:
Quand l'homme n'aura plus de place pour la nature peut-être la nature n'aura t-elle plus de place pour l'homme.