Je me désespère parfois…par Jacques Salomé
Article du magazine CLES
Oui je me désespère parfois, mais je ne me décourage jamais. Car je découvre chaque jour, qu’il y a beaucoup de choses, d’événements, d’actes collectifs ou individuels qui ne vont pas toujours dans le sens de la catastrophe.
Je crois que c’est Jean Jaurès qui pensait qu’il y a de part le monde une conscience collective, « supérieure, en suspens » qui n’est pas soumise au désordre destructeur des hommes.
Comme si les progrès étaient réservés à la conscience de l’humanité et la violence, la destruction à l’inconscience de l’homme !
Nous devons, nous les humains d’aujourd’hui, nous réjouir de tant de merveilles qui nous entourent proches ou moins proches et de celles qui subsistent plus loin dans d’autres pays. Merveilles naturelles, venues du fin fond de l’humanité ou encore merveilles plus récentes produites, crées par les mains de l’homme et dont nous pouvons retrouver la trace en direct sur Internet, dans des livres et parfois même dans la réalité à l’occasion d’un voyage, quand elles n’ont pas fait l’objet de dégradations, de destructions ou encore de modifications pour les rendre plus touristiques ou attractives. Il en subsistent quelques unes qu’il est urgent de visiter, de rencontrer pour s’émerveiller en live, comme on dit aujourd’hui.
Nous devons avant tout remercier la vie d’être encore présente sur cette Terre, de survivre avec courage et ténacité, de s’accrocher avec toutes ses ressources dans différents endroits du monde où elle est violentée. Cette vie dont on veut percer les mystères pour mieux la contrôler et peut-être la vendre au meilleur prix !
Nous devons aussi nous enthousiasmer pour les femmes et les hommes qui acceptent de procréer, qui prennent le risque de donner le jour à des enfants, malgré tout ce qu’ils voient autour d’eux et de consacrer quelques vingt ans de leur vie (parfois plus) à les élever, à tenter de leur donner le meilleur d’eux mêmes. Nous pouvons même les encourager à ne pas se désespérer quand certains leurs enfants plongeront dans des addictions, s’exprimeront avec de la violence ou s’enfermeront durant des heures face à un jeu vidéo, en oubliant qu’il y a du soleil au dehors et des étoiles dans le ciel.
Nous devons être reconnaissant à des cultivateurs qui sèment et cultivent bio, tout en sachant qu’autour d’eux des pesticides de plus en plus toxiques engorgent les champs voisins, que des pluies acides peuvent tomber du ciel et que les cultures transgéniques prolifèrent avec le vent.
Nous devons rester admiratif devant les apiculteurs qui voient leurs ruches se stériliser et qui malgré tout continuent de produire du miel, de recueillir la cire, de nourrir des abeilles vagabondes, qui perdent nous dit-on, le sens de l’orientation.
Nous devons bien sûr nous émerveiller de voir des mers et des océans infinis, déposer leurs vagues sur des plages dorées, contenir en leur sein un univers si riche, si dense (encore) de poissons et de végétations magnifiques, sans nous laisser emporter par la colère et la tristesse quand nous entendons parler de marées noires, de massacres de baleines, de disparition des thons rouges et autres contaminations.
Nous devons rester calmes, retenus quand nous voyons en été des incendies ravager des régions entières, en nous souvenant des forêts immenses de notre enfance, en nous rappelant que nous avons tant voyagés dans notre enfance « en vrai dans notre tête » sur l’Amazone, le Nil, le Mississipi ou le Yang-Tsé kiang que nous appelons en France le Fleuve Bleu. Pouvoir s’appuyer sur de tels souvenirs est déjà quelque chose d’inouï, qui devrait nous encourager à regarder l’avenir sans trop se décourager.
Nous pouvons aussi et surtout, embellir notre espace intime, celui sur lequel nous avons prise. Lui donner du beau, lui offrir du tendre, lui permettre simplement de rester en accord avec le meilleur de nous.
Allons la vie nous habite encore, n’est ce pas l’essentiel ?
Article du magazine Clès