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Le blog de patybio

"La guérison nous vient de nos mémoires archaïques"

4 Septembre 2014, 14:49pm

Publié par patybio

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  "La guérison nous vient de nos mémoires archaïques"

par Patrice van Eersel  

 


Un micro-ostéopathe de bonne réputation nous parle de l'enquête de détective qu'il faut mener sur chaque patient. « Notre santé, dit-il, dépend d'un stock de solutions mémorisées en nous depuis l'origine de la vie. Quand nous tombons malade, il faut comprendre pourquoi une partie de ce stock de solutions s'est bloquée ». Où l'on découvre que la fameuse phrase « L'ontogenèse récapitule la phylogenèse » se joue à l'intérieur de nous et gouverne notre existence. Les visions futuristes de Philippe Petit surgissent d'une double passion : pour les thérapies d'avant-garde et pour les découvertes des naturalistes du XVIII°. Son humilité fait penser à celle des guérisseurs.

Parmi la myriade des nouvelles thérapies, qui nous sont proposées depuis deux ou trois décennies il en est une qui fait le lien entre l'évolution collective de l'espèce et l'évolution individuelle de chaque personne : c'est la micro-ostéopathie. Pour bon nombre d'entre nous, l'ostéopathie est une médecine du squelette et l'ostéopathe un expert dans l'art de décoincer les articulations, après que celles-ci se soient figées - ce qui occasionne le fameux petit « crac » libératoire que nous aimons, surtout quand nous avons le dos bloqué. Cette vision s'avère si grossière et mécaniste, qu'elle est quasiment fausse. On sait que l'ostéopathie est une approche holistique et qu'un mal de tête, par exemple, peut s'expliquer par une mauvaise position du bassin, remontant éventuellement à traumatisme d'enfance. Mais on ne réalise pas forcément que même ce genre de lien peut encore masquer des processus beaucoup plus profonds, remontant aux origines de la vie.

Un ancien kinésithérapeute devenu ostéopathe puis micro-ostéopathe, nous permet de commencer à le comprendre. À en croire, Philippe Petit, en écoutant avec attention « respirer » nos tissus corporels les plus fins - l'humble tissu conjonctif, qui enveloppe tous nos organes, de la tête aux pieds , le micro-ostéopathe, tout comme l'acupuncteur ou l'homéopathe, pourrait remonter, non seulement le cours de notre histoire personnelle, depuis notre conception, mais aussi celle de notre espèce. Mieux : il pourrait retrouver, intégrées en nous, toutes les grandes étapes qu'ont franchies les espèces vivantes, depuis l'aube des temps. Cette remontée dans le temps repose sur les hypothèses théoriques encore largement en chantier, mais elle permet une pratique thérapeutique aux résultats étonnants, qui nous intéresse particulièrement, parce qu'elle nous permet d'inscrire, de façon pragmatique, évolution personnelle et évolution collective.

Les insatisfactions d'un praticien pragmatique

 

CLES : Votre livre " Notre corps n'est que mémoire " , sous-titré L'évolution, un savoir-faire pour se soigner , nous convie à un étonnant voyage, à la fois dans le corps de vos patients, c'est-à-dire de nous-mêmes, humains du XXI° siècle, mais aussi dans l'ensemble des organismes qui ont existé sur cette planète depuis le commencement de la vie. Vous dites que les fonctions inventées par ces organismes continuent d'exister, en nous-mêmes, et qu'on ne peut pas bien soigner sans en tenir compte. Comment en êtes-vous arrivé à penser cela ?

Philippe Petit : C'est le massage qui m'a amené à la paléontologie. Quand j'étais encore simple kinésithérapeute et que je massais quelqu'un, je sentais bien que je ne faisais pas que lui frotter les muscles et les tendons, pour les réchauffer, les renforcer ou les remettre en place. Certains peuvent masser machinalement, en pensant à autre chose ou même en regardant la télé ! Cela me serait impossible, il faut que je sois entièrement présent dans mon acte, pour pouvoir entrer à l'intérieur... à l'intérieur de quoi ? J'ai mis longtemps à le comprendre.

Ce que vous saisissez en premier, c'est bien sûr que le symptôme n'est que la pointe émergente d'un ensemble complexe, souvent profondément enfoui. On le sait bien, derrière ce torticolis, ce lumbago, cette gastroentérite ou cet

urticaire géant, il y a une difficulté de la vie, un conflit conjugal, un décès, un licenciement, etc. Souvent, la personne ne fait pas le lien et ne vous dit rien, sinon qu'elle a mal à tel endroit et qu'elle aimerait que vous la débarrassiez de cette souffrance. Si vous voulez l'aider à aller vraiment mieux, c'est donc souvent à vous, thérapeute, de tenter de remonter la piste à partir du symptôme, qui n'est qu'un indice. Une piste d'autant plus ardue que la cause réelle remonte loin. Cela peut être, bien sûr, un traumatisme d'enfance, ou une ancienne déception amoureuse, ou encore une frustration professionnelle. Vous auriez aimé exercer tel métier, mais la vie vous en a imposé un autre et vous allez ainsi garder en vous un ressentiment latent, générant une zone de fragilité qui, un beau jour, à l'occasion d'un choc, d'une contrariété, d'un accident, s'effondrera brusquement, déclenchant une réaction en chaîne dont le symptôme apparent ne sera que l'aboutissement. Bref, toute la problématique psychosomatique, aujourd'hui bien connue.
Mais ces explications ne me suffisaient pas. Je voyais trop d'échecs, dans mon propre cabinet et chez les confrères. Ou trop de solutions purement mécaniques : tel patient ne parvenant pas à guérir d'une entorse récidivante, on finissait par lui greffer une plastie, un bout de ligament, de tendon, pour fixer l'articulation une fois pour toute, voire même une vis, avec une butée osseuse ! Le chirurgien était content, le résultat était stable, mais je ressentais, quant à moi, un véritable malaise : bloquer un membre, retirer une vésicule, un utérus, un œil, c'est définitif et rédhibitoire. Comme si nous étions passés à côté de quelque chose de fondamental, que nous ne comprenions pas. Pourquoi tel patient réussit-il à guérir, et tel autre pas ? Je n'ai rien contre la chirurgie et certains font des prouesses : voyez, récemment, cette extraordinaire greffe multiple des deux mains et du visage ! Mais là aussi, pourquoi certaines greffes réussissent et d'autres non, alors que les indications chirurgicales semblent les mêmes ?

Certes, la pratique nous amène à découvrir que chaque individu est unique, avec sa biographie et son épigénétique propres. Même deux jumeaux homozygotes n'ont déjà plus les mêmes réactions, alors qu'ils sont encore dans le ventre de leur mère. Mais je sentais bien - sous mes doigts, oserais-je dire -, après avoir massé des centaines et des centaines de personnes, que quelque chose se jouait au-delà du biologique, dans l'histoire biographique de chacun, plus en profondeur.

Les naturalistes du XVIII° inspirent les visions futuristes du XXI°

Je n'aurais certainement pas progressé sans ma passion pour les origines. J'ai commencé très jeune à me constituer une bibliothèque de paléontologie, recherchant chez les bouquinistes, en particulier des ouvrages des XVIII° et XIX° siècles. La créativité, la curiosité, le sens de l'observation des Buffon, Linné, Daubenton, Lamarck, Meckel, Owen, Carus et autres Geoffroy de Saint-Hilaire, étaient prodigieuses. Ils ne possédaient pas le dixième de nos connaissances, ne savaient rien de la génétique, ni de nos systèmes de datation, et pourtant, leurs planches d'anatomie comparative brillent de génie.

C'est en lisant ces vieux maîtres que j'ai compris - et pu mettre en application dans ma pratique - ce que les fondateurs de l'ostéopathie, et plus encore de la micro-ostéopathie, mais aussi beaucoup d'autres scientifiques de notre temps - de Stephen Jay Gould à René Thomas, de Jean-Claude Ameisen à Claude Chapron - ont mis en évidence, au moins sur le plan théorique, à savoir ceci : en tant que résultat d'une très longue lignée évolutive et dynamique, nous avons hérité de tous nos ancêtres des systèmes très anciens de récupération, de réparation et de guérison. Cela remonte aux origines mêmes de la vie et de la matière. La réparation la plus simple repose sur la mitose, c'est-à-dire la division cellulaire, qui a été inventée par les bactéries, il y a plus de trois milliards d'années. Autrement dit, un processus « bactérie » fonctionne en nous en permanence. Il y a autant de bactéries qui habitent notre gros intestin que de cellules dans tout un corps humain.

Cela n'est pas exactement une découverte récente...

Ce qui est récent, c'est de réaliser que nous portons en nous une multitude de processus de récupération archi-anciens, grâce auxquels nous nous auto-réparons en permanence. Et ce qui est encore plus neuf, c'est de se demander pour quelles raisons ces processus peuvent se bloquer et comment les remettre en route. Prenons l'exemple de l'entorse récidivante dont je parlais il y a un instant. Les entorses sont bien plus anciennes que les vertébrés. Dès qu'il y a eu des êtres vivants munis d'articulations, donc dès les premiers arthropodes (premiers scarabées ou premiers crabes, avec leurs squelettes externes), il y a eu des entorses, c'est-à-dire des traumatismes de ligaments, mais donc aussi des solutions pour réparer ces traumatismes. Très schématiquement, si vous vous faites une entorse, votre organisme fait spontanément appel, pour vous soulager et vous guérir, à des processus mis au point il y a des centaines de millions d'années par l'embranchement des arthropodes, qui comprend notamment les insectes et les crustacés. Autre exemple, qui nous fera remonter encore plus loin : si vous vous écrasez le doigt, le processus de récupération qui va se déclencher en vous remonte aux premiers animaux qui ont eu à affronter ce type de problème : les vers, ce qui nous fait remonter à l'origine de l'embranchement des chordés. La réaction spontanée de votre organisme, face à l'écrasement d'un tissu, est un processus de type ver de terre (« chordé »), que vous possédez en vous, mémorisé dans vos cellules. Les vers, eux, lorsqu'ils sont coupés en deux, continuent carrément de vivre, sous la forme d'un couple de vers ! Ce sont des cellules très peu spécialisées qui conservent ces propriétés. Des animaux bien plus évolués que les vers ont conservé cette capacité, par exemple la salamandre, dont un membre coupé peut repousser. Si nos propres membres coupés ne repoussent pas (parce que nos cellules sont trop spécialisées), nous n'avons cependant pas tout perdu de cette propriété archaïque. C'est un processus hérité que nous conservons inscrit en nous et que les

recherches actuelles sur les cellules souches sont précisément en train d'explorer .

Autrement dit, face à n'importe lequel de nos traumatismes, notre corps s'en va chercher ses solutions dans un stock de solutions, mémorisées dans notre ADN depuis la nuit des temps. Nous n'arrêtons pas de faire appel à des systèmes antérieurs. Autrement dit, la fameuse phrase d'Ernst Haeckel, « L'ontogenèse récapitule la phylogenèse », n'est pas seulement une belle vision scientifique : elle constitue la base même de notre autoréparation et de notre santé ! Si nous vivons bien, c'est, par exemple et en particulier, parce que nous abritons dans notre intestin une gigantesque vie bactérienne et que tout notre système immunitaire, qui nous permet de faire la différence entre ce qui est nous et ce qui n'est pas nous, fonctionne suivant des mécanismes qui ont été inventés, il y a des milliards d'années, par les ancêtres de ces mêmes bactéries.

Sans remonter à l'origine du monde et des bactéries, sommes-nous dans la même logique, quand un ostéopathe, pour soigner une personne qui ne peut plus se redresser parce qu'elle souffre d'un lumbago, la met d'abord à quatre pattes, l'invitant ainsi à régresser au stade des mammifères quadrupèdes et à y retrouver un terrain et des défenses utilisables ?

Si vous voulez, mais les ostéopathes préfèrent souvent manipuler une personne sur le côté, afin d'utiliser les épaules et le bassin dans un geste en torsion, autre mouvement archaïque s'il en est, puisque les crustacés remettaient déjà leurs articulations en place ainsi !
Ce qui est cependant évident c'est que cette personne n'a pas trouvé la solution (résidant dans un processus archaïque qu'elle porte en elle), puisque, justement, elle est bloquée et a besoin de l'aide d'un tiers ! En principe, tous ces mécanismes auto-réparateurs passent inaperçus, dans le « silence des organes » qui caractérise la bonne santé. La question surgit évidemment quand le processus ne fonctionne plus. Pourquoi ce monsieur souffre-t-il de ce trouble chronique, mettons de cette entorse récidivante, pour en rester à notre exemple de tout à l'heure ? Si nous poursuivons notre raisonnement dans la même logique, cette entorse est le symptôme, donc la partie visible d'un enchaînement dont la cause initiale, disions-nous, peut remonter très loin et s'avérer de nature extrêmement variée - un deuil, un échec, une déception professionnelle... Admettons que ce soit le fait que sa femme l'ait quitté. A priori, nous ne pouvons pas le savoir - et lui non plus, d'ailleurs, ne fait pas le rapprochement. Tout ce que nous savons, c'est qu'il présente ce symptôme-là, donc que son processus autoguérisseur s'est bloqué à ce niveau - à cette époque phylogénétique, dans la recherche d'une solution parmi les processus récupérateurs mémorisés au cours l'évolution. Si le processus réparateur de l'entorse remonte à l'époque des arthropodes, eh bien, ce patient ne réussit pas à utiliser en lui-même une « solution arthropode ». Souffrant en fait, à l'origine, du fait que sa femme l'a quitté, ce monsieur se fait entorse sur entorse, autrement dit, il est bloqué, en panne, à ce niveau-là de sa mémoire

phylogénétique.

Il existe une résonance entre ces deux faits qui n'ont apparemment pas le moindre rapport entre eux. Le micro-ostéopathe découvre la coïncidence entre l'événement difficile et la mise en panne d'un processus archaïque - dans le cas présent : refaire une articulation stable pour pouvoir continuer à vivre. L'incapacité à récupérer sa cheville pour cet homme matérialise par un symptôme son incapacité à continuer à avancer dans sa vie. C'est pourquoi je dis que son histoire est inscrite en lui au sens biologique. On retrouve là le psychosomatique classique évoqué par la médecine, mais expliqué par l'évolution. L'aspect psy est indéniable, mais sa prise en compte appartient au psychothérapeute plutôt qu'à l'ostéopathe...

Mais comment expliquer cette résonance entre tel aspect psy et telle incapacité à mettre en branle un processus physiologique archaïque ?

Ma recherche est d'abord thérapeutique. Je ne suis pas un scientifique, mais une sorte d'ouvrier de la médecine. Ce qui m'intéresse, c'est d'abord de soigner. Autrement dit, d'aider mon patient à dépasser ce blocage et à utiliser tous les possibles existants à l'intérieur d'un organisme : son potentiel autoréparateur. Ma principale réponse sera donc empirique : je peux vous dire comment nous procédons pour, effectivement, débloquer des processus récupérateurs anciens - essentiellement en nous mettant à l'écoute très attentive de nos patients, et cela demande une qualité de présence que seule une longue pratique peut vous apporter. Mais il ne m'est pas impossible auparavant, sinon de répondre à votre question sur le plan théorique, du moins de cerner en gros le terrain de recherche d'où elle pourra vraisemblablement se dégager un jour, c'est bien entendu l'ontogenèse de la personne, autrement dit son histoire embryonnaire et fœtale, qui entre ici en jeu.

Intégrée en nous, la phylogenèse gouverne notre existence}}}{{{

 

Vous savez sans doute que, depuis l'instant de notre conception, nous sommes passés par tous les stades qu'ont connus les espèces depuis l'origine de la vie. Contrairement à une certaine légende, nous n'avons jamais été poisson, ou reptile, ou batracien, dans l'utérus de notre mère. Nous sommes humains dès le début. Mais nous avons successivement connu des stades de développement similaires à ceux des protozoaires, des arthropodes, des poissons, des reptiles, des batraciens, etc. Cette récapitulation, les savants du XVIII° siècle en avaient déjà fait la constatation émerveillée. Leur regard sur le vivant était d'une acuité et d'une fraîcheur extraordinaires. Non sans passion : les débats furieux entre Geoffroy Saint-Hilaire et Georges Cuvier, par exemple, font quasiment penser à ceux qui mettent aux prises, de nos jours, les créationnistes fixistes et les évolutionnistes néodarwiniens - avec Cuvier dans le rôle du fixiste ! Mais les humains sont facilement un peu amnésiques... et désormais si fiers de leurs solutions de vertébrés supérieurs - la technologie ! - qu'ils peuvent avoir tendance à mépriser ces époques d'artisans. Bien à tort.

L'idée de récapitulation fut synthétisée, à la fin du XIX°, par Ernst Haeckel qui, malheureusement, succomba à la tentation de tricher : pour mieux asseoir sa théorie - « l'ontogenèse récapitule la phylogenèse » -, il trafiqua plusieurs croquis d'embryon, de

manière à rendre incontestable la similarité des embryogenèses aux différents stades de leur développement. C'est dommage, car cela introduisit un doute dans beaucoup d'esprit, alors qu'au fond, Haeckel avait raison, comme le démontrera notamment la découverte des gènes Hox, par Edward B. Lewis, à la fin du XX° siècle. Bien avant la découverte des gènes hox, les naturalistes comme Etienne Geoffroy Saint-Hilaire avaient découvert que l'organisation d'un corps avec une tête, un tronc, des membres était une acquisition archaïque. Très récemment, les embryologistes l'ont démontré en échangeant les gènes hox d'un embryon de souris (vertébré) par les gènes hox d'un embryon de mouche (invertébré). La souris a survécu et a conservé un corps de souris et une physiologie de souris.

Mais revenons à notre raisonnement... À mesure que l'embryon traverse ces différents stades et qu'il acquiert, au fur et à mesure, leurs potentiels phylogénétiques respectifs, il connaît aussi une histoire singulière, en lien étroit avec sa mère. Ce que vit cette dernière, sur le plan physique et émotionnel, l'affecte directement. Nous savons en particulier que l'embryon, puis le fœtus, gardent les traces des traumatismes de la mère. Si celle-ci a été abandonnée, accidentée, violentée, il y a des risques que ces traces soient profondes et traumatisent à leur tour fortement l'enfant. Mais des perturbations bien moins évidentes peuvent avoir des répercussions sur le petit. Et voilà où notre raisonnement se boucle : selon le stade phylogénétique où il en est au moment du trauma (ressemble-t-il encore à une méduse, ou à une crevette, ou en est-il déjà au stade du petit mammifère ?), le processus réparateur correspondant à ce stade va se trouver affaibli chez lui. Et voilà comment, vingt, trente, quarante ans après, cette faiblesse va livrer passage au surgissement d'un symptôme particulier, du fait de la non utilisation d'un possible existant ou si vous préférez du blocage de ce processus d'auto-réparation archaïque.

Blocage dont vous disiez que votre pratique d'ostéopathe pouvait vous permettre d'aider votre patient à le dépasser, en particulier grâce à une « écoute très attentive ». Comment vous y prenez-vous ?

Nous entrons là dans la partie la plus intéressante, parce que thérapeutique, mais aussi la plus empirique de notre sujet. Nous savons que ça marche, parce que nous obtenons des résultats. Mais pour savoir exactement ce qui se passe et comment cela fonctionne... peut-être faudra-t-il attendre le XXII° siècle ! Nous travaillons là dans le palpatoire et l'infinitésimal. Les ostéopathes apprennent à sentir, en touchant leurs patients, ce qu'ils appellent le « mouvement respiratoire primaire » (MRP). C'est un battement imperceptible, dont on il est particulièrement question à propos d'ostéopathie crânienne, mais qui affecte en réalité l'ensemble de l'organisme. Ce MRP est à peu près impossible à objectiver par un capteur non humain, d'où la difficulté de le faire reconnaître par la techno-médecine, aujourd'hui hégémonique. Et pourtant, une fois que vous avez appris à le repérer, son existence est incontestable. C'est un mouvement ondulatoire d'ensemble, qui affecte par vagues l'ensemble des fascias, ces tissus conjonctifs dont on a longtemps ignoré le rôle crucial et qui enveloppent

tous nos organes, des plus nobles aux plus humbles, du cerveau aux nerfs et aux muscles des orteils. Le battement du MRP, qui varie entre deux et cinq périodes à la minute, a sans doute un rapport avec la pulsation vasculaire, appelée « onde de Traube-Hering », sans laquelle notre sang ne pourrait pas revenir jusqu'au cœur. Dans une perspective phylogénétique, on pourrait aussi se demander si le MRP ne serait pas un vestige du battement vital des premiers êtres pluricellulaires : dès que sont apparus des systèmes vivants à deux feuillets (dominés par un système nerveux et un système hormonal archaïques : ectoblaste - et endoblaste), la vie s'y est manifestée par une pulsation - pensez au mouvement de la méduse ou de l'anémone de mer.

Le MRP nous fait pulser comme des méduses}}}{{{

 

Bref, en auscultant son patient avec beaucoup de subtilité, le thérapeute perçoit ce battement, ou son absence, ou sa distorsion, avec des différences selon les zones et selon les angles. Et cela va lui fournir une foule de renseignements précieux sur les lésions ou sur les blocages du patient. La manière dont les tissus de celui-ci « informent » les doigts du thérapeute reste assez mystérieuse, avouons-le. Pour une part, cela fait penser à la pratique des kinésiologues, qui « interrogent le tonus musculaire » de la personne, en posant des questions directes à son corps, par exemple à ses bras légèrement tendus, qui répondent en résistant (« non ») ou en cédant (« oui »), à la pression du thérapeute, sans que le patient n'intervienne volontairement dans quoi que ce soit. Plus simplement, on retrouve là des pratiques millénaires de guérisseurs, qui peuvent détecter l'origine d'un problème - et sa solution - simplement en posant leurs mains sur le corps du patient.

Avec le temps, les ostéopathes et surtout les micro-ostéopathes et micro-kinésithérapeutes ont mis au point, empiriquement, une grille de lecture du corps qui fait penser, elle, aux schémas des acupuncteurs - il y a d'ailleurs certainement, là aussi, des recoupements et corrélations possibles entre les deux approches (même si les Chinois ne se reconnaissent pas du tout dans nos explications phylogénétiques). Une bonne utilisation de cette grille de lecture permet des résultats stupéfiants. Par exemple, un ensemble de manipulation comportant une certaine pression sur le deuxième doigt peut débloquer tout le fonctionnement du gros intestin. Ou, si je reviens encore une fois sur notre entorse récidivante, qui signalait le blocage d'un processus réparateur « arthropode » dans la mémoire phylogénétique de notre patient, je vais pouvoir soigner celui-ci en allant toucher une zone précise de son corps - aussi précise qu'un point d'acupuncture -, ce qui va littéralement réveiller en lui le processus réparateur en question. Nous dirons que nous avons « réactualisé les potentiels » de ce patient, remis en route des possibles existant depuis la nuit des temps. Pour ce patient, c'est l'Évolution avec un grand É qui s'invite alors dans son évolution personnelle. Et l'entorse va définitivement guérir, comme par miracle.

Oui mais, si nous revenons sur le cas de ce

monsieur, rappelez-vous qu'il était supposé souffrir initialement du départ de sa femme, ce qui avait déclenché son trouble. Que devient cet aspect crucial du problème ?

C'est justement ce type de corrélation que signale la grille de lecture dont je vous parle. Partant du symptôme et des données livrées par le mouvement respiratoire primaire, le thérapeute se voit proposer par cette grille de lecture des coïncidences entre un certain nombre d'hypothèses de trauma (abandon, séparation, trahison, colère refoulée, dépression, peur de mourir, etc.), ayant provoqué le blocage de tel ou tel processus récupérateur, avec indications des zones de déblocage à manipuler. Il suffit alors au praticien de tester ces hypothèses une à une - ce qui passe parfois par des manipulations complexes -, jusqu'à tomber sur la bonne. Je sais que cela peut paraître fantaisiste, mais ça marche, y compris avec des animaux - je peux vous présenter des vétérinaires qui remontent ainsi par manipulations micro-ostéopathiques, jusqu'à l'origine d'un problème touchant un animal et datant éventuellement de dix ans plus tôt.

Quelle différence entre ostéopathie et micro-ostéopathie ?

En schématisant un peu, disons que, pour nous, c'est ce qui différencie l'organicité de l'organisation. L'organicité prend en compte les organes ou les parties de l'organisme : l'œil, le foie, l'épaule... C'est une photo macroscopique d'un état anatomique et physiologique momentanée, qui peut aussi intéresser le chirurgien. L'organisation, elle, repose sur l'observation du microscopique, de l'infiniment petit, jusqu'aux particules élémentaires. Elle considère la réalité comme un emboîtement de structures successives, essentiellement constitué de vide. Vous connaissez le fameux film de « Puissances de 10 », où l'on constate qu'en voyageant depuis les galaxies jusqu'aux quarks qui composent les protons et les neutrons, on rencontre à 99,9999...% du vide ! Le réel est comme un lego fractal qui met le vide en boîte. Ce qui compte, ce sont les interactions permanentes entre tous ces niveaux, qui se trouvent dans un équilibre sans cesse remis en cause et autorégulé. Les symptômes et les blocages qu'ils signalent sont des jeux de résonance ou de dissonance à ce niveau, que l'on peut définir comme « quantique » et qui est évidemment très subtil. D'où l'importance d'une écoute extrêmement attentive et fine du patient par le thérapeute. Les gestes du micro-ostéopathe, tout comme ceux de l'acupuncteur ou de l'homéopathe (micro-mouvements, granules, aiguilles), interviennent à ce niveau infinitésimal, dans l'organisation de l'infiniment petit

On est loin du grand crac grâce auquel l'ostéopathe « débloque » un dos coincé - et qu'en général le patient réclame et espère, parce que cela signalera clairement sa libération et la fin de sa souffrance !

C'est une approche organique pour rétablir des structures osseuses, fibreuses pour intervenir sur des fonctions perturbées. Il y a longtemps que je ne pratique plus ainsi. Cela dit, il peut arriver que, pour relancer un processus réparateur ancien qui s'est bloqué, on soit obligé d'exagérer la lésion, en la poussant encore plus loin, comme on resserrerait davantage un ressort pour l'obliger à se desserrer, en provoquant un « effet yoyo ». En bousculant le mouvement respiratoire primaire dans le

sens de la lésion, on peut l'amener à revenir vers son équilibre et ainsi participer au retour de la santé.
Mais encore une fois, force est de reconnaître qu'il demeure des trous énormes entre notre pratique, de plus en plus efficace, et les prémisses d'explication théorique que nous pouvons formuler. L'important, pour nous, c'est d'abord de soigner. La théorie peut attendre ! Nous arrivera-t-elle des Etats-Unis, où de vastes recherches sont en cours actuellement, pour tester nos méthodes - et bien d'autres, par exemple l'acupuncture - sur des millions de cas. Les résultats statistiques seront certainement intéressants, mais je ne suis pas certain que les mécanismes sous-jacents nous apparaîtront de cette façon.

L'une des énigmes concerne sans doute la façon dont le corps, les tissus, les cellules « savent » où est le problème, et comment elles peuvent nous « informer » à son sujet. Les psychanalystes parleront évidemment d'inconscient...

Nous parlons de processus vieux de milliards d'années. Que savons-nous de la conscience et de l'inconscient ? Les vertébrés supérieurs que nous sommes ne doivent leur existence qu'à des myriades de systèmes supposés « inconscients » de l'atome à la cellule en passant par les protéines, systèmes emboîtés les uns dans les autres. Sans eux, nous ne serions rien ! Mais qu'est-ce que la conscience, sinon une perception adaptée d'un milieu de vie, de façon discriminative et discursive ? Je pense que l'on peut supposer que nos tissus ont une forme de conscience, et nos cellules aussi, et les bactéries également, puisqu'elles savent ce qui est bon pour elles, ce qui ne l'est pas, qu'elles se dirigent spontanément vers ce qui est bon et s'éloignent de ce qui ne l'est pas !

Comment réagissez-vous néanmoins au débat « Dieu contre Darwin » ?

Je ne vois pas d'opposition. Je trouve que Darwin pourrait expliquer Dieu. Il nous donne un petit bout d'explication sur ce qui s'est passé depuis l'étincelle du Big Bang, et sur la façon dont nous nous inscrivons dans le processus, en tant qu'entités évolutives dynamiques. Cela dit, je suis darwinien aussi au sens où je pense qu'aucune prédétermination ne pouvait laisser supposer que nous apparaîtrions dans l'univers. L'évolution est un phénomène strictement imprédictible avec, à chaque instant, une myriade de solutions possibles. Après coup, on peut avoir l'impression, en contemplant le chemin parcouru, qu'un itinéraire était prévu à l'avance. Mais je pense que c'est une illusion. Même s'il est évident, pour le thérapeute que je suis, que l'itinéraire objectivement emprunté ne peut se prolonger que parce qu'une récapitulation générale des étapes se produit en permanence, et se mémorise. Nous sommes des mémoires ambulantes, en résonance quantique avec le passé.

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