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Le blog de patybio

Entre acceptation et refus, l’accueil de la maladie par "Danielle Moyse"

19 Avril 2018, 17:17pm

Publié par patybio

Entre acceptation et refus, l’accueil de la maladie par  "Danielle Moyse"

Pour vivre et avoir vécu personnellement des situations difficiles dans ma famille au niveau de l'acceptation et accueil de la maladie et du handicap, je partage cet article qui peut aider à appréhender la situation différemment !

Danielle Moyse. Professeure agrégée de philosophie, enseignante, chercheuse associée à l’Iris (Institut de recherche sur les enjeux sociaux, CNRS, EHESS), déjà chroniqueuse dans le cahier Sciences & éthique, membre du Comité de réflexion éthique de l’Association des paralysés de France (APF).

Est-ce le refus ou l’acceptation d’une maladie ou d’un handicap qui permet de l’affronter avec le plus de bonheur ? Par ces mots, je ne demande pas si ces situations font éprouver un sentiment de réjouissance, mais quel est le moyen de prendre les choses au mieux. Dans les faits, elles ne se posent certes pas exactement en ces termes. Malades ou accidentés ne choisissent généralement pas telle ou telle attitude. La manière d’être initiale, face à une situation difficile, est, la plupart du temps, un raidissement réflexe. Bien des diagnostics médicaux sont ainsi frappés de suspicion par ceux qui les reçoivent. Il y a un incroyable, voire un impossible, de la maladie ou du handicap, comme de la mort.

Le 19 mai 2017, Nicole Bordeleau vint témoigner, lors d’une journée à la salle Pleyel consacrée à « la santé du corps et de l’esprit », du chemin qui la mena à se libérer de son emprise à la cocaïne et à guérir de l’hépatite C, alors contractée. L’annonce de cette affection ne laissa d’abord dans son esprit qu’une question: « Pourquoi ? », suivie de : « Pourquoi maintenant ? ». Le diagnostic funeste lui fut en effet assené à un moment où elle était guérie de sa dépendance.

Souvent, le malade oscille donc d’abord entre déni, refus et révolte.Camus donne de fait à celle-ci une réelle puissance d’affirmation: « À l’instant où l’esclave rejette l’ordre humiliant que lui donne son supérieur, il rejette l’état d’esclave lui-même » (L’homme révolté). De même, ceux qui se révoltent contre l’hypothèse qu’ils ne retrouveront pas toutes leurs facultés ne rejettent pas seulement le handicap ou la maladie, mais la réduction de leur personne à cesétats, voire à ces manques. Refuser d’être « malade » ou « handicapé », c’est affirmer l’intégrité de sa personne, au-delà de toute assignation à catégorie médicale !

Pourtant, lors de son témoignage, N. Bordeleau raconta que quelque chose avait basculé quand, voyant que le « pourquoi » était une impasse, elle avait commencé à se demander : « Comment ? ». Comment allait-elle faire pour travailler, payer ses traites, etc..? C’était un premier pas, mais il lui fallait aller plus loin. Car Nicole avait mis sa vie en suspens, la rejetant à la période incertaine de sa guérison, jusqu’au moment où elle fut frappée par cette évidence, qui devait constituer le titre magnifique du livre qui a eu grand succès au Québec, dont elle est originaire : Vivre, c’est guérir ! (Éd. de l’homme). Vivre, non pas quand on se sera débarrassé d’un problème, mais avec celui-ci, dans l’affrontement de celui-ci.

La philosophe Anne-lyse Chabert se demande de même, à partir de son expérience personnelle d’une maladie neurologique invalidante : Comment transformer le handicap ? (Érès). Comme je lui demandais s’il lui semblait plus efficace de le refuser ou de l’accepter, elle me répondit : « Il me semble qu’il ne s’agit pas vraiment d’accepter ou de refuser la maladie, mais de l’accueillir, d’accepter de se mettre en rapport avec ce qui est… Pour avancer aussi en affrontant, car sinon, c’est un verrou indébloquable ! »

La véritable question est donc la suivante : Comment réintroduire du mouvement dans une vie soudain brisée dans son élan ?


 

« La souffrance ne se borne pas à être, mais à être en excès. Souffrir, c’est toujours souffrir de trop. » Paul Ricœur,

Lévinas nous parle de la douleur et de la souffrance dans ce petit résumé C'est sur la douleur appelée, à la légère, physique que nous allons insister, car en elle l'engagement dans l'existence est sans aucune équivoque. Alors que dans la douleur morale, on peut conserver une attitude de dignité et de componction et par conséquent déjà se libérer, la souffrance physique, à tous ses degrés, est une impossibilité de se détacher de l'instant de l'existence. Elle est l'irrémissibilité même de l'être. Le contenu de la souffrance se confond avec l'impossibilité de se détacher de la souffrance. Et ce n'est pas définir la souffrance par la souffrance, mais insister sur l'implication "sui generis" qui en constitue l'essence. Il y a dans la souffrance une absence de tout refuge. Elle est le fait d'être directement exposé à l'être. Elle est faite de l'impossibilité de fuir et de reculer.Toute l'acuité de la souffrance est dans cette impossibilité de recul". "Levinas", Le temps et l’Autre, Page 55.

La peine et la douleur sont présentées comme les lieux de l’absurde dans la mesure où, dans la solitude et l’isolement, rien ne les justifie. Il s’agit d’une passivité particulièrement forte car le sujet se trouve pris dans la douleur sans pouvoir en sortir. La souffrance conduit à l’absurde, au non-sens, au refus et au cri : « Que dans son phénomène propre, intrinsèquement, la souffrance soit inutile, qu’elle soit « pour rien », est donc le moins qu’on puisse dire. » Si le visage est ce qui mène à un « oui » comme source de sens, comme Dire, la souffrance quant à elle pousse à dire « non », « non » à l’absurde. La seule manière d’échapper à cela, c’est d’observer dans ce « non » un « appel originel à l’aide », une recherche d’autrui qui seul peut me sortir de là. L’appel de l’Autre, dans la douleur, fonctionne comme obligation pure.

Toutefois cette thèse n’est pas surprenante dans l’ensemble du corpus lévinassien. Si « L’absolument Autre, c’est autrui »[6], c’est bien qu’autrui donne sens à ma vie, que cette vie soit sans peine ou douloureuse. Sans ce confondre avec la « compassion » au sens courant, elle la soutient et l’explique, impliquée qu’elle est par la relation à l’Autre. Si l’on peut s’étonner qu’autrui, même souffrant, donne sens à ma vie, il ne s’agit dans ce texte que d’une déclinaison particulière de la thèse générale de Lévinas développée au moins depuis Totalité et infini.

Retrouvez l’intégralité de cette conférence (format video) et son résumé sur : http://www.unifr.ch/iiedh/fr/multimedia/vieillissement-ethique-droit-media/videos-des-colloques/levinas-et-la-souffrance-inutile-video et https://soundcloud.com/iiedh-fribourg/matthieu-dubost-phenomenologie-de-la-souffrance-dune-vulnerabilite-lautre

 

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