Film : "Le désir de vivre" Françoise Dolto
A une époque où les filles convenables ne faisaient pas d'études, la petite Françoise voulait être "médecin d'éducation". Devenue pédiatre et psychanalyste, Françoise Dolto n'aura de cesse de donner corps à ce rêve d'enfant, y gagnant une notoriété toujours vivace. - AFP/Archives
Par : Alice Antheaume et Catherine Fournier
Le centenaire de Françoise Dolto, née le 6 novembre 1908, a relancé la polémique en 2008 sur l'héritage de la célèbre pédiatre et psychanalyste française en matière d'éducation. Les uns l'accusent d'avoir engendré le phénomène de «l'enfant roi», les autres la remercient d'avoir mis fin au «dressage» des petits. Mais que disait-elle au juste? Que faut-il retenir de ces théories aujourd'hui? (20 minutes.fr fait le point.)
«L'enfant est un sujet à part entière»
Françoise Dolto a voulu mettre fin à l'idée selon laquelle le bébé n'était qu'«un tube digestif», sans conscience, ni inconscient. Pour elle, c’est «un sujet à part entière», comme l'adulte.
Cette affirmation est encore mal interprétée aujourd'hui, comme l'indique Claude Halmos: «Les parents se disent: si je considère que mon enfant est un être à part entière dont la parole a une valeur, de quel droit puis-je lui interdire tel ou tel acte?», constate la psychanalyste. Avant de corriger: «Dolto, pourtant, le disait elle-même: tous les désirs sont légitimes, tous ne sont pas réalisables. C'est le fond de son enseignement.»
Et de résumer: selon elle, l'enfant est «un être en construction, mais qui ne peut pas se développer correctement sans l'éducation des adultes - donc sans leur autorité».
«L'enfant est un être de langage»
Pour Françoise Dolto, la parole est au cœur de l'éducation, et ce, dès la conception. Elle parlait ainsi au foetus encore dans le ventre de sa mère, puis au nourrisson. «Le bébé comprend tout, mais nous ne savons pas comment il comprend», expliquait-elle.
La parole de l'adulte peut ainsi faire office d'«objet transitionnel», se substituant au doudou. Mieux vaut fonder son autorité sur la force d’une parole plutôt que sur des règles disciplinaires, disait-elle. Quand l’enfant est prêt à aller se coucher, pyjama et dents propres, mieux vaut lui dire d’«aller dans sa chambre» que de lui asséner «dors maintenant».
Ce faisant, Françoise Dolto sortait les enfants de leur statut social d’infans, étymologiquement celui qui n’a pas droit à la parole.
«Les parents doivent continuer à vivre leur vie d’adulte»
Françoise Dolto invite les parents à ne pas faire de l’enfant l’être central de la famille. «Si des parents renoncent à leur propre trajectoire pour consacrer leur vie à leur enfant, ils l’encombrent. Au lieu de lui dégager la voie», commente Daniel Olivier, psychanalyste et président de l'association «Françoise Dolto, ici et maintenant».
La psychanalyste insistait notamment sur l'importance du rôle du père dès les premiers jours. À travers lui, l'enfant comprend qu'il n'est pas tout pour sa mère, ce qui évite la fusion avec elle.
«L’adolescence = le complexe du homard»
Le complexe du homard, c’est une formule inventée par François Dolto pour représenter la crise d’adolescence. «L’enfant se défait de sa carapace, soudain étroite, pour en acquérir une autre. Entre les deux, il est vulnérable, agressif ou replié sur lui-même». Mais «ce qui va apparaître est le produit de ce qui a été semé chez l’enfant», avertit Dolto. Donc pas de panique, c’est que l’évolution va se faire de l’ado vers l’adulte.
«Il ne faut pas mentir aux enfants»
Même si les parents doivent garder une vie privée et ne pas tout dire, il ne faut pas mentir aux enfants sur leur origine et leur sexualité, disait Dolto. Elle proposait aux parents de parler à l’enfant de tout ce qui le concerne, de «parler vrai», dès sa naissance, par exemple dans le cas d'une adoption. Car le pire pour un être humain est ne pas passer par le langage, la meilleure façon de donner du sens à la réalité.
«L'enfant a le droit de refuser d'aller voir son analyste»
Dans le cadre de la psychothérapie, Françoise Dolto considérait que l'enfant avait autant de droits que l'adulte, notamment celui de refuser d'aller voir son analyste. Autre innovation de la psychanalyste: le paiement symbolique. De même que l'adulte paye sa consultation, elle demandait un paiement à l'enfant: un timbre, un caillou, un dessin. Non pas au nom de la pédagogie, mais pour le renvoyer à son désir réel de venir à la séance.