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Le blog de patybio

L'ILLUSION GROUPALE " Didier ANZIEU"

14 Janvier 2018, 18:58pm

Publié par patybio

Tableau de : Matisse " La Danse"

Tableau de : Matisse " La Danse"

L'illusion groupale est un état psychique collectif que les membres du groupe
formulent ainsi :
« nous sommes bien ensemble, nous constituons un bon groupe, et
(si le chef ou le moniteur du groupe partage cet état) nous avons un bon chef (ou un
bon moniteur) ».

 

Biographie de "Didier ANZIEU" :



Didier Anzieu est né à Melun en Seine-et-Marne en 1923, où ses parents étaient employés des Postes et Télécommunications ; tous deux d'origine méridionale parlaient occitan lorsqu'ils ne voulaient pas être compris de leur fils unique. 

Sa mère Marguerite, née à la suite du décès d'une jeune sœur, Marguerite, brûlée vive, sera une « morte vivante, remplaçant une morte ». Douée pour l'écriture, elle lit et écrit beaucoup à la suite d'une tentative d'assassinat commis sur l'actrice Huguette Duflos. Elle est longtemps internée à l'hôpital Sainte-Anne où elle est soignée par Jacques Lacan. Elle devient le fameux « cas Aimée » exposé par celui-ci dans sa thèse sur la psychose paranoïaque. Le hasard voulut que Lacan fût ensuite l'analyste de Didier Anzieu.

Didier Anzieu fait ses études au lycée Jacques Amyot de Melun ; doué pour la philosophie, il entre en khâgne au lycée Henri IV à Paris.

Après avoir intégré l'Ecole Normale Supérieure et obtenu l'agrégation de philosophie, il s'oriente vers la psychologie et obtient une licence à l'Institut de Psychologie. Assistant de D. Lagache à partir de 1952, il rédige une thèse sur L'autoanalyse de Freud (1959) et entame une analyse didactique avec J. Lacan avant de s'en éloigner.

Professeur à Strasbourg puis à Nanterre, il milite - avec succès - aux côtés de J. Favez-Boutonnier en faveur de l'insertion de la branche clinique au sein des études de psychologie.

Considéré comme un freudien orthodoxe mais ouvert, Anzieu s'intéresse aux méthodes projectives, il utilise le psychodrame et la thérapie de groupe dans un cadre pratique et produit quelques études psychanalytiques d'œuvres littéraires (Beckett et le psychanalyste, 1992). Ses recherches les plus célèbres aboutissent à la formulation d'une théorie du Moi-Peau, qui établir un système de correspondance entre les fonctions du Moi et celles de la peau. 

Décès en 1999

 

Source : www.universalis.fr

Didier ANZIEU

Didier ANZIEU

                             L'illusion groupale

Ce concept a été créé en 1971 par D. Anzieu. Il s'inscrit dans la ligne des réflexions psychanalytiques de S. Freud sur la vie culturelle et sociale. Freud, dans Totem et tabou (1912-1913) au chapitre 2, a décrit l'illusion artistique, l'illusion religieuse, l'illusion philosophique, dont les « caricatures » lui paraissaient respectivement fournies par l'hystérie, par la névrose obsessionnelle et par la paranoïa. Dans « Psychologie et analyse du moi », au chapitre 5 (1921), il a précisé, à propos de deux « groupes artificiels », l'Église et l'Armée, le rôle cohésif de l'illusion selon laquelle le leader (Dieu, le commandant en chef) aime d'un amour égal tous les membres du groupe, qui, à leur tour, s'aiment les uns les autres comme des frères. Cette illusion, que l'on a proposé de dénommer « sociétale », reproduit le renoncement infantile des frères et sœurs au désir d'être chacun le préféré du père. Elle fonde l'essence du groupe sur un double lien libidinal à l'imago paternelle et à ce que Béjarano a appelé l'imago fraternelle. La mise à jour de cette illusion a contribué à permettre à Freud de concevoir une nouvelle instance psychique, l'Idéal du Moi (dont il différencie ensuite le Surmoi) et de modifier sa conception du dualisme pulsionnel (en opposant ultérieurement aux pulsions de vie, groupées sous le terme d'Éros, les pulsions de mort). D. Winnicott a repris le terme d'illusion en lui donnant un sens particulier dans la psychogenèse de l'enfant. Ayant découvert l'existence d'« objets et phénomènes transitionnels » (1953) chez le tout-petit, il a montré l'importance de l'« aire d'illusion », ou « espace potentiel », pour le développement du jeu, de la créativité, de l'expérience culturelle. Si l'environnement primaire (qui est ici surtout envisagé comme maternel) favorise l'établissement de cette aire, le bébé acquiert le sentiment d'une continuité « transitionnelle » entre la réalité psychique interne et la réalité extérieure, et prend confiance dans sa capacité d'agir sur cette dernière. (L'étape suivante, celle de la désillusion, l'amène à renoncer à une omnipotence magique, tout en préservant la croyance en son pouvoir de maîtriser le monde externe, à condition d'en observer les lois.) Une des techniques favorites de Winnicott dans la cure psychanalytique des enfants, le jeu du « squiggle » (griffonnage ou dessin commencé par le psychothérapeute, continué par l'enfant et accompagné de verbalisations mutuelles) vise à explorer les failles anciennes qui ont perturbé l'expérience d'illusion et à rétablir une aire transitionnelle dans sa plénitude et sa fécondité.

Commentaires

1. L'illusion groupale survient au second temps de l'évolution d'un groupe, après une première phase généralement dominée par l'angoisse persécutive. D'où le sentiment réactionnel d'euphorie d'être délivré de cette angoisse. L'illusion groupale cimente alors l'unité du groupe, ce qui est une source de jubilation supplémentaire pour les membres. Elle est à l'évolution d'un groupe ce que le stade du miroir est à l'évolution de l'enfant : une étape nécessaire mais aussi aliénante, fondatrice du narcissisme groupai.

2. L'illusion groupale est un état non un processus. Si elle se prolonge, elle devient une résistance au processus groupal et à la phase suivante de désillusion.

3. Si elle est interprétée trop tôt, voire dénoncée par le leader ou par certains membres, l'illusion groupale n'a pas le temps de faire du groupe un objet libidinal commun, intériorisé par chacun sur le modèle du premier objet d'amour individuel de l'enfant : d'où le déni de la perte de cet objet et l'exaltation de ses retrouvailles.

4. Dans les institutions sociales, la tentative de constituer des petits groupes spontanés, et la tentation de l'illusion groupale sont souvent des compensations à la désillusion institutionnelle (G. Testemale, J.B. Chapelier, 1984). L'illusion groupale émerge sur le fond d'une méfiance réciproque entre les groupes et les institutions.

5. L'illusion groupale apporte aux membres une confiance de base dans leur groupe, qui est proprement « transitionnelle » au sens Winnicottien : confiance en une double continuité entre la réalité psychique interne individuelle et la réalité psychique interne groupale ; entre celle-ci et le secteur de la réalité externe, physique et sociale, où le groupe poursuit ses objectifs. Elle apporte aux membres du groupe la capacité de jouer, d'imaginer, de se cultiver, de créer ensemble.

6. Trois phénomènes accompagnent le moment de l'illusion groupale : a) un membre du groupe devient la victime émissaire de celui-ci ; il fixe ainsi sur lui l'agressivité collective latente ; b) une idéologie égalitariste affirme la similitude des membres entre eux, en niant les différences de sexe, de génération, etc. ; (c) un roman groupai des origines apparaît qui soutient l'utopie d'une parthénogenèse groupale selon laquelle « nous ne devons la conception et la naissance de notre groupe à personne qu'à nous-même ; notre groupe s'autoengendre », dans une création continue, par un acte renouvelé de commencement absolu.

Métapsychologie

1. L'illusion groupale est une défense hypomaniaque collective contre les angoisses, avivées par la situation de groupe, de morcellement (l'unité moïque de chacun étant mise en question par la co-présence d'un assez grand nombre d'autres personnes) et de persécution (le groupe étant vécu comme une hydre à têtes multiples, sur le mode dévorant-dévoré).

2. L'illusion groupale repose sur un clivage collectif des investissements pulsionnels de l'objet. Les pulsions libidinales sont concentrées sur l’objet groupe; les pulsions destructrices sont clivées des précédentes et projetées soit sur une victime émissaire interne ou périphérique au groupe soit sur l'out-group. A. Béjarano (1971) a décrit, dans les séminaires de formation alternant les situations de petit groupe et de groupe large, un clivage du transfert, négatif sur le groupe large (voué ainsi au silence, à l'apathie, à la manipulation, l'autodestruction), positif sur le petit groupe (voué ainsi à l'illusion groupale). D. Anzieu (1975) a montré que les fantasmes de casse constituent la contrepartie, propre aux situations plurielles, de l'illusion groupale.

3. L'illusion groupale est l'illusion - nécessaire à un certain stade du processus groupal - que le groupe puisse constituer un objet total. C'est une illusion-écran contre la régression à la relation aux objets partiels, suscitée par la situation de groupe. L'illusion groupale se fait l'héritière d'une relation massive au sein idéalisé, clivé comme M. Klein l'a montré, du sein persécuteur.

4. L'illusion groupale propose pour organisateur psychique inconscient du groupe, une imago (non plus paternelle comme dans les groupes étudiés par Freud) mais maternelle, l'imago d'une mère toute-puissante et toute bonne pour ses enfants, qui, par fusion en elle, s'imaginent participer de son omnipotence narcissique. L'illusion groupale provient de la substitution, au Moi idéal de chacun, d'un Moi idéal unique, partagé et a-conflictuel (à la différence des groupes étudiés par Freud et s'organisant autour d'un Idéal du Moi commun).

BIBLIOGRAPHIE ANZIEU D., L'illusion groupale, Nouvelle Revue de Psychanalyse, 1971, n° 4, pp. 73-93. Texte repris in : Le groupe et l'inconscient, Paris, Dunod, 1975, Nouvelle édition refondue, 1981.

BÉJARANO A., Résistance et transfert dans les groupes, in D. Anzieu et coll., Le travail psychanalytique dans les groupes, tome 1, Dunod, 1972.

BÉJARANO A., 1.e clivage du transfert dans les groupes, Perspectives psychiatriques, 1971, n° 33. pp. 15-22.

FREUD S., Totem et tabou, 1912-1913 ; G W IX, p. 91 ; SE, XIII, p. 73; trad. fr, Payot, 1971, p. 88.

FREUD S., Psychologie des masses et analyse du moi, 1921, Nouv. trad. fr. in : Essais de Psychanalyse, Payot, 1981, p. 154.

TESTEMALE G. et CAPELIER J.B., Groupes thérapeutiques et institutions soignantes, Bulletin de Psychologie, 1983-1984, 77, n° 363, pp. 195-204 (voir p. 202).

WINNICOTT D., Objets transitionnels et phénomènes transitionnels, 

L'ILLUSION GROUPALE " Didier ANZIEU"
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T
Intéressant ! Cet article éclaire parfaitement ce que je n'arrivais pas bien à cerner dans ma famille de 7 enfants (sur 21 ans ) c'est tout à fait celà ! Merci pour l'éclairage .
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P
Bonsoir Thierry, merci à vous pour votre témoignage. Si ce partage a pu vous éclairer c 'est une bonne chose. <br /> Bonne soirée.
M
Un beau partage, intéressant! Bise, bon lundi dans la joie et la tendresse!
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P
Bonsoir Maria-Lina, merci pour votre présence. Bonne semaine en douceur et positivité.<br /> Amicalement. Paty